Les fausses nouvelles, ou fake news, font les manchettes. En conséquence, les populations d’un peu partout dans le monde haussent le ton pour demander des solutions. Toutefois, bien souvent, les solutions proposées peuvent elles-mêmes se montrer problématiques. Comment s’attaquer à ce problème ? Est-il même permis de s’attendre à des solutions durables ?

Selon le cinquième rapport annuel du Reporters’ Lab, un centre de recherche affilié à l’université Duke, en Caroline du Nord, le nombre de projets de vérification des faits recensés dans 53 pays a triplé en quatre ans. De même, tant en France qu’en Allemagne et dans plusieurs autres pays, des textes législatifs sont à l’étude pour tenter de faire face à ce problème. Toutefois, il est trop tôt pour évaluer la portée cumulative de tous ces projets.

Une chose est sûre, par contre : la confiance de la population envers les médias demeure faible. Au Canada, par exemple, seulement 49 % des gens sont d’accord pour dire qu’ils peuvent leur faire confiance. En Grèce, ce taux n’est que de 23 %*. Quand on accuse un média de propager de fausses nouvelles, ce n’est pas toujours nécessairement la vérité ou la véracité qui est en jeu : c’est surtout la confiance qu’on accorde à ce média.

Le problème de la qualité de l’information se réduit-il pour autant à la seule question des fausses nouvelles ? Il faut dire que cette expression est plutôt vague. Pour certains, ce concept désigne des informations carrément fausses produites dans le but de tromper sciemment à des fins d’influence politique. Pour d’autres, il renvoie à la publicité native, ces messages publicitaires déguisés en articles conventionnels. Pour d’autres encore, les fausses nouvelles englobent aussi les textes satiriques.

À l’occasion d’un groupe de discussion organisé sur ce sujet, le Reuters Institute for the Study of Journalism, un centre de recherche de l’université d’Oxford, a même déterminé que certaines personnes incluent dans les fausses nouvelles des nouvelles factuellement exactes quoique sensationnalistes ou montées en attrape-clics pour générer du profit.

Tout le monde parle donc de fausses nouvelles, mais personne ne s’entend sur ce que c’est.

Il est donc temps, à mon avis, de recommencer à employer des termes plus clairs comme « désinformation » ou « propagande ». Ceci nous aidera à penser et à cerner le problème de façon un peu plus claire afin de mieux le résoudre.

Dans son rapport remis le 12 mars dernier, le Groupe d’experts de haut niveau sur les fausses informations et la désinformation en ligne, qui relève de la Commission européenne, notait d’ailleurs que l’expression fausses nouvelles était « inadéquat[e] pour capturer la complexité du problème de désinformation ».

C’est là une des raisons pour lesquelles il est difficile de dire avec précision si le phénomène des fausses nouvelles est aujourd’hui en progression ou en recul. Mais sans savoir précisément de quoi nous parlons, comment pouvons-nous en mesurer l’évolution ?

Un remède risqué

Que pouvons-nous faire pour régler ce problème?

La réponse n’est pas simple. Tout d’abord, dans la plupart des pays où la confiance dans les médias est la plus faible, la confiance envers le gouvernement est généralement faible elle aussi. Cela signifie qu’une initiative gouvernementale destinée à légiférer sur les médias ou à les réglementer n’inspirerait que du scepticisme au sein de la population.

Ensuite, il est plutôt délicat de maintenir l’équilibre entre la liberté d’expression et le droit du public à une information de qualité. Un organisme de contrôle des fausses nouvelles pourrait rapidement ressembler à un organe de censure.

Que faire, donc ? Les meilleures solutions sont à mon avis celles qui reposent avant tout sur la transparence. Le projet de loi français, par exemple, propose d’obliger les médias sociaux à indiquer qu’un contenu a été soutenu financièrement dans le but de le faire circuler. C’est un bon départ. Cela permettrait déjà au public de mieux comprendre que quelqu’un, quelque part, tente de lui montrer une information plutôt qu’une autre.

Un renouveau dans la nouvelle

En ce qui a trait à l’avenir, je ne saurais dire si la situation s’envenimera ou si elle s’améliorera. Mais je peux dire deux choses, l’une réaliste, l’autre optimiste.

D’abord, mon avis réaliste. Si on regarde derrière nous, par exemple à la fin du 19e siècle, on s’aperçoit que les fausses nouvelles ont toujours existé. À cette époque, bien des organes de presse publiaient des nouvelles outrancières, vraies en partie seulement, souvent sensationnalistes, parfois tout à fait fausses, dans l’unique but de vendre et de faire du profit. D’autres étaient plutôt motivés par des impératifs politiques. Tant qu’il y aura de puissants intérêts en jeu – qu’ils soient politiques ou économiques –, la désinformation risque fort d’exister.

Mais lorsqu’on voit, comme aujourd’hui, que les gens s’intéressent aux fausses nouvelles et qu’ils en parlent, je suis encouragée à être optimiste. C’est pour cette raison qu’on assiste à tant d’effervescence et à autant d’initiatives de vérification ou de réglementation. Le débat vigoureux, l’agitation, l’action publique, la recherche, tout ça devrait nous encourager.

Car plus nous parlerons de désinformation, plus nous serons outillés pour recevoir les informations de façon critique.

Juliette De Maeyer

Juliette De Maeyer est professeure adjointe au Département de communication de l’Université de Montréal.

Article écrit en collaboration avec Simon Lord

Sources

*Annenberg School for Communication. (2017). Understanding and Addressing the Disinformation Ecosystem. Repéré à : https://firstdraftnews.org/wp-content/uploads/2018/03/The-Disinformation-Ecosystem-20180207-v4.pdf?x47084