Les médias sociaux sont au cœur de la stratégie marketing de bien des entreprises, mais peu d’entre elles savent vraiment ce qu’elles devraient publier afin de maximiser leurs retombées. Quel type de contenu génère le plus fort engagement – et le plus de ventes – auprès des clients ?

Ce sont les questions auxquelles mes collègues Luca M. Visconti, Michael Haenlein et Tolga Cenesizoglu ainsi que moi-même avons tenté de répondre dans l’article « Marketer-Generated Content, Commercial Performance, and Engagement in Online Communities », à paraître sous peu. Pour y arriver, nous avons construit un modèle théorique destiné à expliquer les ventes d’une entreprise en fonction des caractéristiques du contenu publié dans les médias sociaux.

Plus précisément, ce modèle devait nous servir à évaluer l’effet de ces caractéristiques en nous penchant sur quatre dimensions. La première était l’intention ou non de générer, grâce au contenu publié, des interactions, voire un attachement social ou émotionnel, entre le public du média social et la marque ou le produit présenté. La deuxième était l’intention ou non de démontrer la qualité du produit. La troisième était simplement une description du contenu : s’agissait-il d’une publication longue, moyenne, courte ? Y avait-il des images ou des vidéos ? Des hyperliens ? La quatrième dimension permettait d’établir si le contenu avait pour objectif ou non de vendre quelque chose.

Nous avons ensuite tenté d’estimer empiriquement dans quelle mesure ces caractéristiques pouvaient permettre de prédire les ventes. Nous avons réalisé deux analyses sur cette question.

La première analyse portait sur le contenu publié sur Facebook par l’industrie de la musique. Plus précisément, nous avons focalisé notre attention sur l’écoute de musique diffusée en continu (streaming) et sur les ventes de chansons en format numérique. Nos résultats ? Les caractéristiques mentionnées ci-dessus peuvent à elles seules expliquer de 40 à 60 % des ventes dans ce cas précis.

La deuxième analyse portait quant à elle sur l’industrie du jeu vidéo. Nous avons donc évalué les caractéristiques du contenu publié par une grande entreprise, dont le nom doit rester confidentiel, sur son propre site web ainsi que sur Facebook, Instagram, Twitter et Twitch. Nous avons ensuite mis à l’épreuve notre modèle pour enfin découvrir que les caractéristiques du contenu pouvaient expliquer 68 % des ventes de jeux et de marchandises connexes.

Ces résultats sont incroyables. Il s’agit d’un coup de circuit, d’une vraie mine d’or. Il est très rare de parvenir à expliquer si solidement un phénomène social avec un modèle théorique. Au cours de ma carrière, je n’avais pas encore réussi à construire un modèle qui soit capable d’expliquer si bien la réalité. Dans mes recherches sur l’influence de la culture sur le comportement des consommateurs, par exemple, les modèles théoriques que je mets au point arrivent rarement à expliquer plus de 5 ou 10 % d’un comportement observé.

Du contenu sur mesure

Maintenant, en quoi ces résultats sont-ils utiles ?

Ils sont utiles parce qu’ils montrent que notre modèle permet aux entreprises de mieux déterminer les types de contenu qu’ils doivent créer s’ils désirent générer un maximum d’interactions, d’engagement et de ventes.

Déterminer le bon contenu à publier s’avère souvent difficile, puisque les caractéristiques des publications qui génèrent le plus de ventes diffèrent selon le secteur d’activité, le produit et le public visé. Sans modèle théorique, décider du meilleur contenu à publier devient en effet une question d’intuition, et les résultats sont beaucoup plus aléatoires.

Dans les deux industries que nous avons étudiées, par exemple, la dimension liée à la création d’interactions et de liens émotionnels est celle qui explique le plus fortement les ventes. Mais dans une autre industrie ou avec un autre public cible, ce résultat pourrait être très différent.

Pour un gestionnaire d’entreprise, l’utilisation d’un tel modèle afin de déterminer les caractéristiques les plus souhaitables des contenus à publier dans les médias sociaux devient donc très intéressante. Non seulement la recette est personnalisée dans le but de maximiser l’effet sur les ventes d’une entreprise spécifique, mais cette information ne peut en aucun cas être utilisée par un concurrent.

Intelligence artificielle… et insuffisante

L’intelligence artificielle et l’apprentissage machine sont actuellement porteurs de grandes promesses. C’est du moins ce qu’on entend dire. Grâce à des techniques sophistiquées, les ordinateurs peuvent ainsi découvrir des liens entre les données. Le hic, c’est que ces liens sont souvent superficiels et pas nécessairement utiles. La recherche scientifique reste donc plus pertinente que jamais : notre étude le démontre.

Nos résultats sont solides parce que l’analyse est plus profonde. C’est pourquoi nous avons réussi à montrer avec beaucoup de certitude qu’il était important de bien comprendre les caractéristiques des contenus dans les médias sociaux si on désire, au final, maximiser l’engagement et les ventes.

Marcelo Vinhal Nepomuceno

Marcelo Vinhal Nepomuceno est professeur agrégé au Département de marketing de HEC Montréal.

Article écrit en collaboration avec Simon Lord